LITTÉRATURE DE L’EXIL OU L’EXIL VOLONTAIRE DE L’ACTE LITTÉRAIRE ?
LITTÉRATURE DE L’EXIL OU
L’EXIL VOLONTAIRE DE L’ACTE LITTERAIRE?
« Nous avons tous conscience, ici, qu’un linguiste sourd à la fonction poétique du langage et un spécialiste de littérature indifférent aux problèmes linguistiques et peu familier des méthodes linguistiques sont des anachronismes aussi flagrants l’un que l’autre »
Roman JAKOBSON
Conférence sur le style (1958)
Dans son livre Extraterritorialité George Steiner nous fait réfléchir sur les nouvelles modalités qui se sont produites en matière de renouvellement sémantique, dès la Première Guerre mondiale à nous jours; il prend comme exemple trois écrivains qui écrivirent dans une langue qui n’était pas la sienne. Ce sont des cas rarissimes; pour l’heure, bon nombre d’études linguistiques ont fait part des découvertes impressionnantes sur le genèse des créations littéraires liées à des éléments intimement liés à la génétique.
C’est cet aspect qui attire toute mon attention parce que je fais l’auto-analyse de mon propre acte d’écriture et je prends en considération de manière très sérieuse les affirmations qui m’ont été faites par des experts, des Professeurs de littérature et aussi d’aucuns qui sont des experts dans l’exercice de la lecture à titre professionnel.
Tout d’abord, il faut clarifier ce qui s’est produit avec le poète et ou l’écrivain qui a commencé très jeune la pratique de l’écriture et qui s’exile par force majeure, je fais allusion précise à l’exilé politique. Steiner déclare que l’écrivain exilé sera toujours un « estropié », c’est une définition terrible, mais vraie; certes, mais seulement si cet artiste exilé n’a pas eu de reconnaissance et, je reste toujours au conditionnel, si entre son acte littéraire qu’il fait dans sa langue maternelle s’installe une barrière étanche qui le sépare de son pays d’adoption; il lui sera toujours nécessaire faire appel aux traducteurs, trouver un éditeur de premier ordre qui l’accueille et qui lui apporte cette facilité.
Si rien de cela lui advient dans sa nouvelle vie d’exilé, un découragement et une mort de sa pratique littéraire peut se produire.
Depuis mon arrivée en France, ce qui m’avait fort impressionné était l’expérience qui racontait Milan Kundera, qui débuta sans maîtriser le Français et qui avait pris des cours pour ensuite écrire parfaitement en sa deuxième langue qu’il avait fait sienne à la perfection.
C’est le cas exceptionnel des certains privilégiés.
La mise à mort qui font les imbéciles à celui ou celle qui fait des fautes, qui s’acharne à maîtriser une langue étrangère sans aide de personne est une expérience que j’ai faite de cette société contemporaine.
Je dis toujours que mon projet, ma « mission artistique » je l’ai programmé minutieusement pour arriver à Paris. Je suis arrivée à Paris, parce que mon débarquement je l’ai fait à Paris, ma vraie ville d’adoption, et pour ce fait, j’ai pris des cours « audiovisuels » pour être à mème de parler, de communiquer et perte indépendante en toute les circonstance de mon insertion sans aide de personne.
Je savais d’avance, pour être pédagogue, que ma formation en Français serait défaillante, pour m’exprimer à l’écrit, je n’avais acquis que lkes rudiments essentiels pour me débrouiller face à l’administration , non pour m’exprimer de manière soutenue et sans fautes à l’écrit.
Par la suite, j’ai dû travailler et jamais je n’ai eu de l’argent pour payer le cours particulier d’un véritable professeur de Français, mon cas personnel était loin d’être comparable aux grands écrivain qui sont venus se réfugier en France.
Je me suis formée en autodidacte, parce que j’aimais la langue française, mes défaillances j’ai fini par las assumer, et même à présent je m’acharne en solitaire pour m’améliorer au jour le jpur. J’ai vu et entendu un entretien fait à la pianiste Martha Argerich, la manière dont elle adopte sa technique n’est pas indépendante de son jeu, la technique s’insère à l’intérprétation, elle a dit quelque chose qui me semble essentielle et que j’applique pour ma pratique journalière de la langue française, c’est dan l’exercice de l’écriture que les doutes m’assaillent, alors, c’est à ce moment là que je fais ma recherche et que j’applique ce que j’ai appris à mon texte.
Il n’y a pas de meilleure façon de dissiper les doutes et d’avancer, parce que ce qui nous ignorons et que nous cherchons par notre propre effort reste indélébile.
Je cite à nouveau Steiner, qui dit que l’écrivain qui écrit dans une langue qui n’est pas la sienne sera toujours mis à l’épreuve dans son acte d’écriture, car il n’aura pas de certitudes, c’est ce que nous vivons en permanence, il s’agit d’un terrain incertain, mais qui donne des résultats surprenant selon un Professeur de littérature Française qui n’a pas pu juger ma poésie qui est toute écrite dans ma langue maternelle, l’espagnol,( c’est mon terrier principal où je suis maître et je sais où j’y vais avec certitudes et où je suis à l’aise pour le choix des mots. ) Il n’a pu que me lire en Français.
Quand j’écris en français il se crée un espace dangereux, des doutes arrivent pour être immédiatement résolues pour avancer, or ce Professeur m’a dit qu’il voyait chez des grands essayistes et des grands écrivains faire plus de fautes que moi, et un correcteur qui m’a corrigé mes tous premiers manuscrits à été du même avis. Je reviens sur les affirmations irrévocables du Professeur de littérature Française, son commentaire m’a laissé soumise dans une préoccupation intellectuelle majeure que je dois élucider. Il m’a dit, j’ignore pourquoi, mais quand je vous lis, je ne vois l’influence d’aucun écrivain latino-américain et moins encore d’écrivain Français, jil me semble lire les russes surtout Dostoïesvski. Je me suis mise à faire de recherches sur l’influence génétique chez l’acte d’écriture d’un poète ou d’un écrivain. Claude Couffon qui fut mon directeur des recherches m’avait dit quelque chose de similaire:« vous n’êtes ni Neruda ni la Mistral, vous n’avez aucune résonance latino-américaine, ils vont se trouver devant un cas d’exception, la vérité est que vous êtes un poète, un écrivain « inclassable ». Ce n’est pas la peine que vous vous occupiez de protéger vos écrits, personne ne pourra jamais vous les voler, plagier ou transformer, ils sont vous-même, ne perdez ni votre temps ni votre argent »
Je pense aux cours de langue étrangère dont les écoliers peuvent bénéficier gratuitement tout au long de leur scolarité et qu’ils méprisent avec une nonchalance obtuse. Il faut savoir qu’il est parfois excusable quand l’absence de pédagogie des professeurs de langue étrangère ou des professeurs de Français ignorants ne maîtrisent même pas les rudiments les plus basiques et essentiels de la langue française et que par faute de connaissances et de talent, ils ennuient et tuent toute motivation chez les élèves.
C’est à ce moment là que nous sommes confrontés à la politique de la diffusion de l’ignorance du Ministère de l’Education Nationale, mais ne nous éloignons pas du sujet.
Dépendre d’un tiers pour écrire est une situation humiliante pour un écrivain.
Marcher dans l’acte d’écriture avec des béquilles est affreux. L’indépendance en matière d’Art est le pilier sur lequel nous devons faire notre expérience de vie et d’artistes.
Ou bien il se fait impérieux d’en remédier en s’adonnant aux cours de français, le coût financier d’une heure de langue étrangère est phénoménal et il reste interdit pour une personne sans revenus « confortables’ ou bien le poète et, ou l’écrivain devra se résigner à écrire uniquement dans sa langue maternelle et laisser la barrière entre lui et la société qui l’a accueilli comme une question subsidiaire. Mon cas personnel est marginal.
Je suis arrivée en France tardivement, parce que déjà professionnelle et bien formée par une équipe de Professeurs d’excellence, ceux qui exilés arrivèrent enfants ou qui firent leur scolarité en France ne comptent point comme exemple. Mon Professeur et Directeur des recherches me disait toujours qu’ayant fait mon entrée professionnelle « dans la branche la plus médiocre de la France : l’Education Nationale » et en affirmant très fort sa conviction, il me faisait comprendre que ma voie de poète était inscrite d’avance dans un échec selon lui, irréversible. Il me conseilla d’émigrer en Espagne. Des difficultés de famille me l’interdisaient. Une autre raison de poids me l’interdisait encore plus, je suis arrivée en France non pour m’insérer comme poète et écrivain, mais comme artiste-peintre, puisque le lien de privilège que je porte en moi est le lien esthétique qui a déposé en moi, avec son enseignement, le peintre Hernán Gazmuri, me faisant sa disciple et de manière définitive, cette vérité je ne ‘invente pas, elle est dictée par mon âge et l’époque, je suis pour l’heure, et à ma connaissance il n’y a pas d’autre vieille que moi qui reste en vie comme la seule héritière de l’Ecole de Paris.
Hernán GAZMURI m’a dit à mes seize ans: «tu dois savoir que l’enseignement de Lhote que je te donne, tu l’obtiens sans efforts chez toi, moi, à mes 28 ans, j’ai dû l’obtenir en allant à Paris, avec mes faibles économies et en faisant des sacrifices innommables, tu a une mission, et tu devrais être fidèle à ce travail».
La peinture moderne est née à Paris, or ma voie d’artiste-peintre était déjà tracée par le destin, ma génétique et aussi, parce qu’avec mon arrivée programmée et volontaire à Paris, chargée d’un projet bien défini, une ligne directive se traçait de manière irréversible dans mon existence artiste-peintre.
Oh combien sont nombreuses celles qui s’efforcent de me détruire pour que je cesse de peindre!
Je parle des Serpents de l’administration qui délibérément essaient de me détourner de mon travail de peintre et qui s’adonnent à commettre des délits permanents à mon encontre, pour m’interdire de vivre paisiblement!
Elles sont en possession des tous les outils administratifs pour que je n’obtienne pas ma mutation vers une HLM parisienne.
Une guerre invisible me déclarèrent. Les guerres administratives sous couvert de l’État sont les plus dangereuses, nonobstant, ma confiance dans la parole écrite ne s’estompera jamais.
Je ne possède ni leur nature ni leurs manières de bas-fonds, donc je les laisse faire, Napoléon disait qu’à l’ennemi il faut l’aider !
Avançons !
Les gens se servent de mots comme des misérables et des superficiels. Dans toute discussion ou dialogue où il y a des différends, au lieu de se comporter comme des personnes civilisées, ils font appel aux mots sans comprendre le bon usage, et en ignorant leur portée.
Moi, qui suis experte en langage, d’une part comme professionnelle et d’autre part en tant qu’artiste, je suis incapable d’entretenir un dialogue tortueux où la signification du discours qui m’est jeté pour me provoquer, enferme une forme de violence, un mensonge et un piège qui me forcent à réagir par le moyen d’une réplique qui devrait se formuler dans des termes terribles, or je ne cède point à ce piège. Jamais.
Ils ou elles, se lancent à dire avec légèreté tout et « n’importe quoi », je suis atterrée à les entendre.
Je ne donne jamais suite à ce genre de polémique, la guerre des mots m’est insupportable.
Moi , qui aime les mots, je ressens cette violence verbale comme un viol.
C’est un viol cérébral, un viol de l’esprit, un attentat psychique, voire physique qui résonne dans tout mon être, mais personne ne peut comprendre cela, à l’exception d’un écrivain, d’un poète d’un « commentateur des textes » comme l’était George Steiner.
Les amis Français que j’avais et que j’aimais, ils sont tous au cimetière, cette génération des gens spirituels a été disparue à tout jamais.
Ils me suivaient, m’aidaient, m’encourageaient dans mes projets de peinture et d’écriture, en vieillissant, en passant inexorablement par le temps, je me suis trouvée orpheline de ma France d’autrefois, il a été une épreuve existentielle « grave et difficile » comme qualifiait R.M. Rilke les épreuves d’ordre spirituel. Il m’a fallu refaire ma vie à l’aide des béquilles existentielles, me recréant un nouvel univers en ermite.
Par fortune du destin, j’ai hérité de mon père une force da caractère sans faille. Et, je suis fortifiée, par la vie malheureuse que l’administration française a décidé de me donner dès mon arrivée, elle fut faite de luttes incessantes, ce qui m’a laissé blindée et le peu de temps qui me reste à vivre, je le protège comme un bien précieux et je compte le vivre en paix.
Je me souviens d’une expérience avec les mots; y a quelques années une personne qui s’est conduite d’une honteuse manière, a eu la maladresse d’inventer un subterfuge pour me reprocher mon silence et ce que de l’extérieur ressemblait à de l’indifférence. Lui répondre aurait été une grave erreur. Il n’y avait rien à répondre. Mon silence parlait des mots imprononçables et interdits.
Parce que le fait d’entendre un seul mot inconvenant, brisait déjà toute forme de possible dialogue; ce mot inconvenant disait long sur ses intentions. J’avais l’ouïe en alerte, la pierre jetée inconsciemment à l’eau, je l’ai écoutée et aussi ses échos funèbres, ce mot était un mot qui présageait pour moi une mise à mort non immédiate, mais qui enfermait en soi une modalité verbale qui a le russe, c’est le sens unique d’un futur proche. Je me suis sauvée de nouvelles épreuves malheureuses et gratuites, parce que déjà munie d’expérience de vie, rien ne pouvait me détourner ni n’arriver à m’atteindre pour me provoquer des blessures invisibles.
Carmen Florence Gazmuri Cherniak
In, MEMOIRES: Ma vie littératurisée du Chili à la France.
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